L’école maternelle :
une école de l’autonomie
Anne Dillenseger, adjointe à la Ville de Dijon, chargée de l’Education, était présente le 20 mai dernier lors du lancement du 89ème congrès de l’AGEEM.
AGEEM : Le thème du congrès est l’estime de soi chez l’enfant et chez l’enseignant. C’est un peu dans l’air du temps à l’Education nationale, mais est-ce que l’un ne va pas sans l’autre ?
Anne Dillenseger : Je trouve en effet que c’est important car si l’on veut travailler sur l’estime de soi, il faut déjà savoir où on en est soi-même en tant qu’éducateur, car je considère que les enseignants sont des éducateurs, il faut être au clair avec ce sujet-là, avec son propre parcours, sa propre histoire pour pouvoir avancer avec les enfants.
AGEEM : On parle, dans le cadre de ce congrès de l’enfant, de l’enseignant mais est-ce que l’on pourrait aussi étendre cela à l’animateur et aller sur les champs de compétences de la Ville ?
A.D. : Bien sûr, et ce d’autant plus qu’il y a beaucoup d’animateurs qui ont un vrai problème de reconnaissance et d’estime de soi. Parce qu’ils sont persuadés qu’ils ne sont pas bons, parce qu’ils ont eu des parcours scolaires parfois difficiles. En tout cas il y aurait beaucoup à faire c’est certain.
AGEEM : Pour continuer, dans les personnes qui sont autour de l’enfant, est-ce qu’il ne faudrait pas aussi parler de l’estime de soi chez les parents?
A.D. : Là on entre dans le domaine du privé. Cette estime est à développer mais par qui, comment, sous quel angle ? Pour le coup, je pense que les parents, dans un premier temps, au niveau de l’école et des acteurs autour de l’école, ont déjà besoin de reconnaissance. Après, l’estime de soi pourra peut-être en découler sauf s’il y a trop de blocages.
AGEEM : Il y a quelques années, on parlait plutôt du « Vivre ensemble » . C’est une notion plus collective alors que l' »Estime de soi » est tournée vers l’individu. Est-ce contradictoire ?
A.D. : Non pas du tout. Je pense qu’il faut savoir se connaître, savoir où on en est, être reconnu pour pouvoir aller vers les autres, et se sentir bien au sein d’un groupe. C’est la base. On devrait commencer par cela, toujours.
AGEEM : D’un point de vue pratique, la venue du congrès à Dijon c’est environ 1000 congressistes, qu’en attend la Ville de Dijon ?
A.D. : On en attend beaucoup. Je passe sur le côté « faire briller la ville » car c’est surtout l’émulation que cela va provoquer dans les écoles maternelles, auprès des équipes qui auront plus envie encore de travailler ensemble, d’aller plus loin et pourquoi pas de travailler avec les autres acteurs de l’éducation.
AGEEM : Est-ce que vous avez prévu par exemple que des personnes de la Ville puissent participer au congrès ?
A.D. : On attend des invitations et évidemment si l’on est invité on participera. Je sais que certains cadres seraient très intéressés. Ce soir par exemple, j’ai demandé à la directrice de l’Education si elle voulait venir mais elle m’a répondu qu’elle n’était pas invitée donc qu’elle n’osait pas. À vous de jouer donc ?
AGEEM : D’accord. Tout à l’heure, Monsieur le recteur a évoqué la Maternelle en la comparant avec l’Élémentaire et le Collège. Est-ce que vous partagez la même vision ?
A.D. : Oui, tout à fait. Je suis convaincue, de par mon entourage, que l’école maternelle a un rôle déterminant sur la suite du parcours de l’enfant. Cela est très clair. Et pour les enfants qui n’ont pas eu cette chance, je pense à l’Allemagne ou à la Suisse que je connais, ce n’est pas tout à fait la même chose même s’ils sont allés en collectivité. Ce qui est déjà bien. Mais Il n’y pas que la collectivité, il y a une vraie progression de la petite section à la grande section, sur l’autonomie, sur un début d’apprentissage. Les enfants quand ils arrivent au CP, ne se comportent pas du tout de la même façon s’ils ont été ou pas en école maternelle.
AGEEM : Est-ce que vous pensez que la pédagogie est différente en maternelle, moins transmissive ?
A.D. : Je ne suis pas pédagogue mais oui je pense qu’à l’école maternelle on est beaucoup dans l’écoute et que l’enfant peut s’exprimer. Après, cela devient plus compliqué parce du jour au lendemain il rentre au CP, il faut qu’il reste assis, en rang. Moi qui visite les écoles, je vois bien que rares sont les enseignants qui changent la disposition de la classe. Dès le CP, on voit les enfants sur trois ou quatre rangées, ils ne peuvent plus se lever. C’est un peu radical comme changement et on comprend que pour certains ce soit difficile.
AGEEM : L’école maternelle, une école subversive alors ?
A.D. : Non, au contraire, c’est l’école de l’autonomie.
AGEEM : L’AGEEM est une association d’éducation populaire. Ces associations sont-elles des partenaires indispensables à l’école ?
A.D. : Evidemment. En 2001, on a eu des débats avec certains collègues sur est-ce-que l’on travaille entre nous pour notre projet éducatif ou avec l’éducation populaire. Certains collègues n’étaient pas d’accord pour travailler avec d’autres mais heureusement la sagesse l’a emporté. L’éducation populaire est une vraie richesse. Elle nous ouvre les portes, nous permet de réfléchir. Si l’on reste entre nous, on n’avance pas.